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Livre VII : chapitre 11.

Traduction : L.-A. Constans, 1926 :  “La guerre des Gaules”

César va prendre :

Vellaunodunum puis Cenabum.

a) César devant Vellaunodunum.

Ch. 10 (César quitte le pays des Lingons pour celui des Boïens)

  Ch. 11 (a) :   Le second jour, il arriva devant Vellaunodunum, ville des Sénons voulant ne pas laisser d’ennemi derrière lui pour n’être pas gêné dans son ravitaillement, il entreprit d’en faire le siège, et en deux jours, il l’eut entourée d’un retranchement ; le troisième jour, la place envoya des parlementaires pour traiter de la reddition : il ordonne qu’on livre les armes, qu’on amène les chevaux, qu’on fournisse six cents otages. Il laisse Caïus Trébonius, son légat, pour terminer le règlement de cette affaire, et part car il désirait achever sa route au plus vite.

 

            On a divisé en deux ce chapitre, parce qu’il contient le compte rendu de deux batailles : Vellaunodunum et Cenabum.

            Avant de commencer, il aurait été important de connaître la vitesse, le mode de déplacement et la longueur des étapes des légions romaines. On n’a pas trouvé grand-chose sur le sujet, dommage.

            Très souvent, les légions en campagne voyagent par deux, on le voit au chapitre précédent, pour Agedincum, ainsi qu’aux chapitres sur Uxellodunum. 12 000 légionnaires sur une route, même en colonne par deux, représentent un convoi de 6 km. Si on y rajoute les bagages, les vivres et les auxiliaires, la colonne qui se déplace peut mesurer entre 8 et 10km. Ce devait être impressionnant. Il est impossible que ces 10 légions partent de leurs camps en même temps et qu’elles arrivent ensemble le même soir au camp suivant.

  Déplacement des Légions 

 En temps de guerre, les légions se déplacent deux par deux.

             Le premier groupe de deux légions A & B quitte le camp de base en colonne par deux. Il est spécialisé dans le génie. Guidé par des éclaireurs, il devait préparer routes et ponts jusqu’au premier camp qu’ils vont construire à une quinzaine de kilomètres, c’est-à-dire au moment où le dernier légionnaire quittait le camp de base chez les Lingons.

            Le lendemain, au lever du jour, un deuxième groupe de deux légions C & D quittait le camp de base en même temps que le groupe A & B quittait le 1er camp vers une 2ème étape. Quand le dernier légionnaire du groupe A&B quittera le premier camp, le premier légionnaire du groupe C&D y arrivera etc.

             Avec 10 légions chez les Lingons, c’est une colonne de 65 km qui, en fin de journée rentrait dans cinq camps séparés d’une quinzaine de kilomètres.

            Le dernier groupe I&J détruira le dernier camp après son départ pour qu’il ne soit pas réutilisé par les gaulois.

            On a vu que César, dans les Cévennes, a fait une étape de 80 km. C’est d’autant plus facile de réaliser cette chevauchée qu’il peut changer de monture le long des colonnes de légionnaires au fil du parcours. On devrait trouver Vellaunodunum au Sud de Sege-Serra en direction de Bibracte.

Venarey-Lès-Laumes est sur cette route, 42 km au Sud d’Essarois. « Vellaunodunum ».  

 Oups… C’est l’oppidum d’Alise-Sainte-Reine. On sait avec certitude que des Romains ont assiégé ce site. C’est le seul oppidum officiellement assiégé que l’on trouve au sud du pays des Lingons en direction du sud.

On va ignorer l’hypothèse Napoléonienne d’Alésia des « Mandubiens » sur ce site des Sénons.

César entreprend d’en faire le siège en deux jours avec ses 60 000 légionnaires sur place. Pour un oppidum de cette taille, la première des choses à faire en bonne logique militaire, c’est de bloquer l’accès à l’eau pour les Gaulois. Même Petit-Gibus dans « la guerre des boutons » y aurait pensé. César a dû faire construire une contrevallation qui coupera l’alimentation en eau des Gaulois. C’est donc un rempart de neuf kilomètres que ses légionnaires entreprennent. Les deux rivières aux pieds des remparts seront un obstacle supplémentaire en cas de contre-attaque. Deux légions suffisent pour isoler les Gaulois sur cet oppidum. En disposant un légionnaire tous les mètres d’une seule légion, on voit sur ce dessin qu’il n’a pas besoin de ses dix légions pour assiéger l’oppidum et on peut facilement comprendre que les Gaulois se soient rendus en trois jours sans combattre.

Ci dessous, la représentation d’une seule légion autour de Vellaunodunum.
César en a 10 quand il arrive à proximité de cet oppidum.

Oppidum d’Alise-Sainte-Reine ou de Venarey-Lès-Laumes (90ha), Alésia officiel.

 

            Alise-Sainte-Reine est le seul oppidum au sud du pays des Lingons. Pour nous et beaucoup de gens, ce n’est pas Alésia. L’hypothèse de Chaux-des-Crotenay est bien plus crédible. Des fouilles ont mise à jour du matériel militaire Gaulois et Romain de cette époque. Si ce n’est pas Alésia, il est fort probable que cet oppidum proche de Venarey-Lès-Laumes soit Vellaunodunum.

            Ce n’est pas un exploit militaire pour des romains. Les habitants de la place ont vite vu le problème et se sont rapidement rendus. César exige 600 otages et laisse son tribun s’occuper du règlement de cette affaire puis part pour Cenabum (Orléans).

            Cette ville, tout à coup, n’est plus dans la direction du Sud et des Boïens. Elle est à l’ouest de Vellaunodunum. Comment expliquer ce brusque changement de direction ?

            Brutus a bloqué Vercingétorix dans les Cévennes (page 25). Il s’en est sorti puisqu’on le retrouvera à Alésia. Depuis Vienne, il a dû rapidement rejoindre l’armée de César, pendant que celui-ci regroupait ses 12 légions chez les Lingons. Le contact a pu avoir eu lieu à Vellaunodunum. César est mis au courant par Brutus que Vercingétorix risque d’attaquer les Boïens. Il a compris qu’il n’arriverait pas à temps pour les soutenir. Il va encore tenter une manœuvre de diversion pour les libérer des assauts de Vercingétorix. Prendre Cenabum sera le moyen de lui faire quitter les remparts de Gorgobina la capitale des Boïens. Vercingétorix ne pourra pas laisser ses alliés dans le pétrin. Contraint d’abandonner Gorgobina, il volera au secours de Cenabum.

b) César devant Cenabum.

 

Ch. 11 (b) :  Cenabum – se dirigeant vers Cenabum, ville des Carnutes. Ceux-ci, qui venaient à peine d’apprendre que Vellaunodunum était assiégé, pensant que l’affaire traînerait quelque temps, s’occupaient de rassembler des troupes pour la défense de Cenabum, et se disposaient à les y envoyer. Mais en deux jours César y fut. Il campe devant la ville, et, l’heure avancée lui interdisant de commencer l’attaque, il la remet au lendemain. Il ordonne à ses troupes de faire les préparatifs ordinaires en pareil cas, et, comme il y avait sous les murs de la place un pont qui franchissait le Liger, craignant que les habitants ne prissent la fuite à la faveur de la nuit, il fait veiller deux légions sous les armes. Les gens de Cenabum, peu avant minuit, sortirent en silence de la ville et commencèrent de passer le fleuve. César, averti par ses éclaireurs, introduit, après avoir fait incendier les portes, les deux légions qu’il tenait prêtes, et se rend maître de la place. Il s’en fallut d’un bien petit nombre que tous les ennemis ne fussent faits prisonniers, car l’étroitesse du pont et des chemins qui y conduisaient avait bloqué cette multitude en fuite. César pille et brûle la ville, fait don du butin aux soldats, passe le Liger et arrive dans le pays des Bituriges.

Quelques infos complémentaires.

Cenabum : est une cité gauloise de l’Antiquité. Ville commerciale et oppidum des Carnutes, un peuple de la Gaule celtique. La cité prospère à l’époque, du fait de sa situation stratégique sur la Loire. Cenabum est équipée d’un pont et d’un port, attesté dès avant l’époque romaine, et constitue le débouché́ commercial principal des céréales de la région naturelle de Beauce, située au nord-ouest. Strabon, dans sa Géographie, qualifie la cité d’emporium des Carnutes c’est à dire, un comptoir maritime fondé dans une colonie ou en territoire étranger, pendant l’Antiquité grecque et romaine. La ville figure également dans la table de Peutinger. (Wiki)

 

            On peut constater que César ne se laisse pas entraîner chez les Boïens. Il veut contrôler la situation en permanence. Ainsi, c’est son plan qui prévaudra et c’est Vercingétorix, au courant du siège de Cenabum, qui quittera Gorgobina (Boën sur Lignon) pour Cenabum (Orléans).

Localisation de l’oppidum de Cenabum.

            Urbs Aurelianorum : Au troisième siècle (273 / 274), Aurélien relève la ville de ses ruines, reconstruit son enceinte, la détache du pays des Carnutes ; elle prend alors le nom d‘Urbs Aurelianorum. De nouvelles murailles et un fossé sec entourent la ville ; au sud, la muraille est baignée par la Loire. Le périmètre de la nouvelle enceinte est estimé à 1 100 mètres.

            Elle représente un carré de 13 ha. Une plaque de marbre portant les lettres romaines « CENAB – – – » a été trouvée au nord du centre-ville actuel. Elle n’est pas datée, mais ne peut pas être de l’époque de la guerre des Gaules.

Les localisations des villes Gauloises de Gergovie, Alésia, Cenabum, Avaricum, Uxellodunum etc. ne sont que des hypothèses. Elles avaient disparu des cartes de la Gaule, pourquoi ?

            À la fin d’une guerre gagnée, la tradition romaine était de raser les villes qui avaient refusé́ de se soumettre. Elles étaient déclarées « SACER ». C’était une condamnation, une réprobation sévère, voire une malédiction visant à faire disparaitre de la mémoire collective ceux qui avaient osé́ résister à Rome.

            Il serait étonnant qu’un empereur romain, Aurélien, ait reconstruit en lieu et place une ville rasée par un autre romain : Jules César. La condamnation mémorielle est éternelle. Une cité qui a laissé massacrer des commerçants romains sans défense ne peut pas échapper à la règle. Orléans n’a pas pu être reconstruite sur les ruines du « Cenabum » pris par César.

Un exemple d’oppidum : Villejoubert

Strabon : Gergovie et Alésia sont entourés de deux rivières et de hautes montagnes. C’est le cas pour Gergovie à Saint-Maurice-de-Lignon et Alésia à Chaux-des-Crotenay. L’oppidum des Lémovices, Villejoubert à Saint dénis des murs, est lui aussi entouré de deux rivières, La Vienne et La Maulde. Ces rivières étaient des remparts efficaces pour défendre ces oppida, elles permettaient aussi d’alimenter en eau la population venue s’y réfugier.

Un autre exemple d’oppidum sur les rives d’un fleuve : Besançon.

            Lors de la capture de l’oppidum des Séquanes, Jules César décrit l’emplacement comme « position naturelle qui la défendait de manière à en faire un point très avantageux pour soutenir la guerre. » Il ajoute que la position défensive est presque entièrement entourée par le Doubs et que la partie restante est barrée par un éperon rocheux. De plus, au-delà̀ du Doubs, s’élèvent des collines de « hauteur moyenne », mais aux pentes escarpées qui ne font certainement pas partie de la ville, sinon de son système de défense. L’oppidum mesure 150ha.

         Voici comment les Gaulois font pour choisir un lieu sécurisé pour un oppidum à proximité d’un fleuve. Il s’installent dans la boucle la plus fermée de celui-ci.

Ceci permet de limiter la longueur des murs de défense active tandis que le fleuve les protège sur la plus grande partie de sa périphérie.

 

Hypothèse Cenabum à « BOU ».

            La Loire passait à Cenabum. C’était le Liger à cette époque. Les Orléanais sont encore aujourd’hui, des « Ligériens ». Cenabum est forcément au point le plus au Nord sur ce fleuve pour faciliter le commerce avec le Nord de la Gaule. Conformément aux habitudes des Gaulois, elle doit se trouver dans une boucle du fleuve pour bénéficier de sa protection en limitant la longueur des murs de défense. La ville de « BOU » est au centre d’une boucle de la Loire et voisine de la ville moderne d’Orléans.

            Le cours du Liger a pu bouger de quelques dizaines de mètres en 2 000 ans. Ceci ne devrait pas changer grand-chose pour cette hypothèse. Le trait en pointillé rouge sur la carte ci-dessous mesure 1,8 km.

            Cette position est voisine de la nouvelle ville d’Orléans. Sans faire de prospection sur place, mais en regardant les courbes de niveau, on peut estimer que cet emporium des Carnutes aurait pu recouvrir une surface de 200 ha. L’oppidum de Bibracte mesure lui aussi 200ha.

            Dans ce cas de figure, la ville peut, comme pour Besançon, se défendre plus facilement. Les côtés ouest, sud et est sont protégés par le Liger. Quant au côté nord, il comportait un mur de défense dont la longueur devait être déterminée en fonction de l’occupation au sol du marécage à cette époque.

            « L’île aux oiseaux, en face de Cenabum, facilite la traversée du Liger par deux ponts en bois plus petits que s’il fallait traverser la Loire d’un seul trait.

Ch. 11 :  Cenabum. Comme il y avait sous les murs de la place un pont qui franchissait le Liger, craignant que les habitants ne prissent la fuite à la faveur de la nuit, il fait veiller deux légions sous les armes. Les gens de Cenabum, peu avant minuit, sortirent en silence de la ville et commencèrent de passer le fleuve. César, averti par ses éclaireurs, introduit, après avoir fait incendier les portes, les deux légions qu’il tenait prêtes, et se rend maître de la place. Il s’en fallut d’un bien petit nombre que tous les ennemis ne fussent faits prisonniers, car l’étroitesse du pont et des chemins qui y conduisaient avait bloqué cette multitude en fuite. César pille et brûle la ville, fait don du butin aux soldats, passe le Liger (Loire) et arrive dans le pays des Bituriges.

           

César est prévenu que les habitants de Cenabum essayent de s’enfuir par un pont. Il ordonne l’assaut de la ville par deux légions. Sans résistance apparente, elle est prise rapidement et les légions capturent les habitants qui se sont agglutinés devant le pont trop étroit sur la Loire (Liger).

 

Récapitulatif de la route de César entre : son incursion dans les Cévennes et CENABUM.

Il est temps de fournir un schéma explicatif qui résume les différents mouvements de troupes depuis le moment où César rassemble ses légions chez les Lingons.

  1. César est chez les Lingons. Il rassemble 12 légions.
  2. Pendant tout ce temps, Brutus a réussi à fixer Vercingétorix dans les Cévennes. Il quitte ce territoire et rentre à Vienne où on lui confirme que César est toujours chez les Lingons. Il va le rejoindre pour l’informer de la situation.
  3. Vercingétorix, depuis les Cévennes rentre à Avaricum (Bourges).
  4. Vercingétorix apprend que César est chez les Lingons. Il peut désormais attaquer les Boïens alliés de Rome sans prendre de risque.
  5. César envoie 2 légions à Agedincum (Sens).
  6. César envoie une ambassade chez les Boïens.
  7. César avec 10 légions quitte le pays des Lingons pour celui des Boïens.
  8. Le lendemain César croise puis assiège Vellaunodunum.

– La ville se rend en trois jours – C’est là que Brutus le rencontre et lui explique que Vercingétorix va attaquer les Boïens.

 La distance qui sépare César des Boïens ne lui permettra pas d’arriver à temps pour les secourir. Il va changer de tactique. Depuis Vellaunodunum, Il va créer une diversion en allant attaquer Cenabum (Orléans) chez les Carnutes. Ce sont des alliés de Vercingétorix. Il envoie huit légions dans cette direction. Deux légions restent à Vellaunodunum pour régler la reddition des Gaulois.

9) En trois jours, César arrive devant Cenabum tard dans la soirée.

– César veut repousser l’attaque au lendemain. Pendant la nuit, les Carnutes s’enfuient. César les attaque avec deux légions. Les Carnutes sont capturés devant l’étroitesse d’un pont sur le Liger.

– Le lendemain, César incendie la ville, traverse la Loire (Liger) et débouche chez les Bituriges. Il se dirige vers Avaricum (Bourges).

            NB : Sur la carte, notons que si Gorgobina était à Sancerre, les Carnutes se préparant à être assiégés auraient rapidement prévenu Vercingétorix. Celui-ci serait arrivé avant César à Cenabum. De plus, les Boïens ne participeront pas à la prise d’Avaricum, alors qu’il n’y a que 50 km entre les deux villes. C’est ce qui nous démontre, une fois de plus, que Gorgobina n’était pas chez les Bituriges (cf. plus-haut, p.). Vercingétorix va croiser César à Noviodunum, entre Cenabum (Orléans) et Avaricum (Bourges).

Histoires du Forez. Et revue des deux mondes.

            Là encore, des historiens ont, au siècle dernier, relaté une histoire qui pour la énième fois s’intègre parfaitement dans le texte de César sans le dénaturer, mais en comblant « les blancs » de son livre. C’est l’histoire d’un combat qui se passe à ‘Saint-Haon-Le-Vieux ou Saint-Haon-Le-Châtel, qui ne sont qu’une seule commune à l’ouest de la ville de Roanne (Rudumna). Les auteurs n’ont pas su l’intégrer dans « La guerre des Gaules » parce que, officiellement, les Boïens ne se trouvent pas à Boën-sur-Lignon mais chez les Bituriges ce qui n’a jamais été démontré.

Gorgobina des BOÏENS

Boïens : Monnaie

Monnaie des Boïens de Bohême.

Boïens : Blason des contes du forez

Blason des contes du Forez.

Trésor de Lapte en Velay

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